Villes Tech: Wintics,l’intelligence artificielle pour réduire l’impact carbone des transports.
(Démonstration d’analyse d’images par logiciel d’intelligence artificielle par Matthias Houllier, cofondateur de Wintics
Les trois fondateurs d’une jeune pousse parisienne ont mis au point un logiciel pour fluidifier les transports. S’appuyant sur les dernières technologies d’intelligence artificielle, Wintics prône l’utilisation sobre et éthique de l’analyse automatique des flux d’images de la vidéosurveillance.
Alors que tous les pays et entreprises accélèrent leur transition numérique, perçue comme source de progrès et de développement, de nombreux experts s’interrogent sur son coût pour l’environnement.
D’après les résultats d’une étude commandée par la commission du Sénat en 2020 sur l’empreinte carbone du numérique en France, le numérique constitue dans notre pays une source importante d’émissions de gaz à effet de serre (15 millions de tonnes équivalent CO2), soit 3,7 % du total des émissions en 2019, qui pourrait s’accroître considérablement dans les années à venir, jusqu’à 60% d’ici 2040, si rien n’était fait pour en réduire l’impact.
La consommation électrique pour les services numériques en France a elle été estimée en 2019 à 48,7 TWh, soit 8,3 % de la consommation électrique hexagonal. 44% de cette empreinte serait due à la fabrication des terminaux, des centres informatiques et des réseaux et 56% à leur utilisation.
Cet impact environnemental concerne également les ressources minérales et l’eau. Selon Greenpeace, dans l’ère numérique, paradoxalement, plus on « dématérialise », plus on utilise de matière et d’énergie. Prenons un ordinateur portable. Il requiert des dizaines de métaux en provenance du monde entier : du tantale congolais, du lithium bolivien, de l’or australien, des terres rares chinoises. L’extraction de ces minerais est très coûteuse pour l’environnement : elle exige beaucoup d’énergie (fossile), d’eau et de ressources.
La pollution numérique causée par le partage des données, le stockage et le téléchargement est largement due à l’utilisation de serveurs énergivores estime l’Agence de la transition écologique.
Le coût énergétique des solutions technologiques et du traitement de données est lui aussi considérable. Au point qu’en 2019, une équipe de chercheurs de l’Université du Massachusetts aux Etats-Unis menant une étude sur l’impact écologique de l’intelligence artificielle était arrivée au constat alarmant qu’ entraîner par exemple un modèle d’apprentissage profond (deep learning) pour traitement du langage naturel émettait autant qu’un être humain pendant 57 ans. Une facture lourde pour les services d’un assistant vocal !
Car en effet, certains développement d’intelligence artificielle sont des modèles coûteux tant sur le plan financier, en raison du coût du matériel et de l’électricité ou du temps de calcul dans les nuages (cloud), que sur le plan environnemental, en raison de l’empreinte carbone nécessaire pour alimenter le matériel moderne de traitement des algorithmes.
Travaillant à partir de masses de données importantes, traitées dans des centres de calculs et fermes de serveurs, ces usines numériques nécessitent de surcroît un refroidissement constant. Autant dire que les chercheurs en IA et l’industrie du numérique ont intérêt à réfléchir au modèle de développement qu’ils utilisent et viser la sobriété, faute de quoi le numérique fera davantage partie du problème que de la solution conclut le rapport sur l’impact environnemental du numérique publié en 2018 par le groupe de réflexion de la transition carbone The Shift Project.
Pour tenter de cadrer les usages, le Conseil national du numérique (CNNum), en partenariat avec le Haut Conseil pour le climat (HCC), a publié début 2020 sa feuille de route pour un « numérique responsable », c’est-à-dire sobre et au service des objectifs de développement durable et de la transition écologique et solidaire.
Enfin, une loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique a été promulguée en novembre 2021, même critiquée et jugée peu contraignante, elle pose toute même les bases de meilleures pratiques.
L’intelligence artificielle comme outil de la transition écologique
Correctement maîtrisée et raisonnablement utilisée, l’intelligence artificielle pourrait aider à lutter contre le réchauffement climatique. Elle permet de cartographier, de comptabiliser, de traiter des informations complexes qui dans de nombreux domaines visera à optimiser, rationnaliser l’utilisation des ressources et infrastructures.
Les trois fondateurs de Wintics, Matthias Houllier, Quentin Barenne et Levi Viana, en sont convaincus et c’est dans le domaine des transports qu’ils ont décidé de concentrer leurs recherches. Tous trois sortis de grandes écoles, HEC, ESCP et Polytechnique, ils ont mis au point et commercialise depuis 3 ans un logiciel pour répondre aux défis de la mobilité urbaine.
Comment faire cohabiter, voitures, camions, bus, scooters, vélo ou encore trottinettes et piétons dans les villes ? Avec l’apparition de nouveaux usages et le développement des mobilités douces, les zones urbaines sont aujourd’hui confrontées à un véritable casse tête pour rendre les déplacements plus fluides mais aussi moins polluants.
Car il faut savoir qu’un trafic dense et embouteillé représente 16 fois plus d’émissions de CO2 qu’une circulation fluide. On peut noter également que 3 véhicules sur 10 qui circulent dans un centre ville sont à la recherche de stationnement.
En parvenant à faire basculer 25% du transport des véhicules dans les villes vers une mobilité douce, on pourrait réduire de 15% les émissions de CO2. Mais on pourrait également citer l’apport du co-voiturage, l’optimisation des passages et rotations des transports en commun, bus et métro qu’on ne ferait plus tourner à vide et ajusterait sur les pics de fréquentation.
Notre raison d’être est de construire ensemble des villes plus confortables et plus durables
Mais pour rendre la ville plus intelligente, il faut collecter beaucoup de données et pouvoir l’analyser rapidement. Leur solution destinée aux gestionnaires de voieries, collectivités, opérateurs de transports tient dans un petit boîtier et se branche sur les caméras urbaines de vidéosurveillance. Dotée d’un algorithme puissant, elle permet l’analyse automatique et en temps réel de flux d’images vidéo. C’est une technologie dont on parle depuis plusieurs années qui a fait ses preuves côté académique avec de belles avancées grâce au big data reconnait Matthias Houllier mais en matière d’intelligence artificielle et de vision par ordinateur déployées à grande échelle, Wintics s’estime pionnier en Europe avec des niveaux de précisions inégalées sur le marché.
C’est d’abord sur la ville de Paris qu’ils ont éprouvé leur technologie pour équiper aujourd’hui une trentaine de collectivités comme par exemple au col du Tourmalet dans les Hautes-Pyrénées pour aider à gérer le flux touristique, ou les passages de camions sur la pont de Saint-Nazaire en Loire-Atlantique ou encore l’analyse de l’occupation des aires de co-voiturages dans le Haut-Rhin et le Bas-Rhin (CEA).
La RATP utilise également leurs services pour réguler les rotations en fonction de l’affluence des passagers en gare et dans le métro. Ils comptent aussi parmi leurs clients des gestionnaires de ports et exploitants de parkings à l’étranger, Belgique, Suisse et Maroc.
Ethique et durable
Dans son développement, Wintics s’est appuyé sur deux axes. Tout d’abord la sobriété des installations et des équipements. L’intelligence artificielle est un outil incroyablement puissant à condition de l’employer là où elle est utile affirme Levi Viana, le polytechnicien de l’équipe et médaillé mondial de mathématiques.
Déjà, on a fait un travail d’optimisation côté serveur mais notre exploit est d’avoir d’excellent niveau de précision dans les analyses qu’on fournit en étant capables de faire tourner ces algorithmes très puissants dans des tout petits ordinateurs qui consomment 10 watts
De plus, Wintics a fait le choix de capitaliser sur les équipements déjà en place et notamment les caméras de vidéosurveillance. La démarche est assez nouvelle en effet, alors que les 50 communes françaises de plus de 90 000 habitants sont équipées de plus de 11 000 caméras. Ces installations sont principalement utilisées par des services de police, Wintics leur donne des fonction de comptage.
La science du trafic s’est toujours appuyé sur des opérations de comptage nous apprend Matthias Houllier et tous les aménagements automobiles ont toujours été équipés de boucles électromagnétiques qui sont dans la chaussée mais elle ne donne pas d’informations sur les autres formes de mobilité et notamment les mobilités douces. Les villes ont besoin de données plus fines et plus larges pour adapter leurs infrastructures.
On vient se brancher sur ce qui existe déjà en utilisant les caméras de vidéosurveillance. Nous les utilisons pour des fonctions de comptage sans avoir à installer de nouveaux capteurs
Si l’on comprend bien le gain d’utilisation en revanche on peut s’interroger sur l’exploitation et la confidentialité de ces données. Un point sur lequel Wintics tient à rester très clair d’un point de vue de l’éthique.
Nous faisons de l’analyse de vidéo sans avoir recours à aucune analyse de données personnelles. On ne fait pas de reconnaissance faciale, on ne fait pas de lecture de plaque. Toutes les données que l’on produit sont 100% anonymes. Aucune vidéo, aucune image n’est stockée ni ne transite par le cloud
Fondée en 2017, la jeune pousse emploie aujourd’hui 17 salariés dont plus de la moitié de ses effectifs se consacre à la recherche et développement. Leader sur le marche de l’analyse automatique de vidéo, l’entreprise vise 1 million d’euros de chiffre d’affaire en 2022.
Installée à l’Urbanlab, la plateforme dédiée à l’innovation des mobilités urbaines dans le 18eme arrondissement de Paris, Wintics semble être au bon poste d’observation pour juger des avancées quant à la fluidité de la circulation dans la capitale.
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