Europe: Recherche-innovation-formation : triptyque d’enjeux pour le quantique européen
(Lors de la première table-ronde, le coordinateur de la stratégie française d’accélération pour les technologies quantiques, Neil Abroug (à droite), a rappelé l’importance des stratégies nationales.)
Dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne, le CNRS organisait le 21 février – en partenariat avec le CEA, Inria, et à l’Université Paris-Saclay – un événement sur les ambitions quantiques françaises. L’occasion d’échanger autour du renforcement du leadership européen.
Un premier ordinateur quantique en 2025. Une Europe à la pointe de ses capacités quantiques en 2030. Ce sont les objectifs en ligne de mire de l’Union européenne. Dans la course internationale aux technologies quantiques, la souveraineté européenne dépendra de la compétitivité qu’elle saura proposer sur le plan mondial. Une compétitivité qui relève du triptyque recherche-formation-innovation. Mais quels moyens se donnent les pays membres pour rester dans le peloton de tête ? Le 21 février, le CNRS, le CEA, Inria ont organisé à l’Université Paris-Saclay la journée « Ambitions quantiques, renforcer le leadership européen », dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne. Plus de 2 000 internautes ont ainsi suivi les présentations et tables rondes autour des défis majeurs de ce secteur.
« Le CNRS contribue activement à la stratégie française autour du quantique notamment à travers son PEPR. Mais les partenariats vont au-delà des frontières et nous avons pour ambition de construire l’Europe de la recherche et d’en faire un acteur majeur dans le domaine du quantique », a souligné le président-directeur général du CNRS Antoine Petit, en début de journée. Pour l’ensemble des intervenants, pas de doute : coopération et coordination sont deux piliers essentiels au développement de la filière en Europe.
Des synergies coordonnées des Régions à l’Europe
« L’Europe et ses pays membres sont le premier investisseur public au monde dans les technologies quantiques », a rapporté le coordinateur de la stratégie française d’accélération pour les technologies quantiques, Neil Abroug. Afin de capitaliser sur ces investissements, les intervenants ont souligné l’importance de mettre en place des stratégies nationales cohérentes avec les efforts européens : thématiques de recherche identiques, innovation coordonnée, accords bilatéraux, participation aux programmes européens, etc.
Un an après l’annonce du plan quantique par Emmanuel Macron, Neil Abroug a ainsi souligné l’implication française au sein du Flagship quantique – programme phare de recherche européen – ainsi que dans l’EuroQCI qui vise à mettre en place une infrastructure européenne de communication quantique. Avec son supercalculateur Jean Zay, la France est également au cœur du programme « High-performance computer and quantum simulator hybrid » (HPCQS). Son objectif : développer une nouvelle génération de machines hybrides mariant accélération quantique et calcul haute performance.
Toutefois, il est tout autant important de « connecter les initiatives nationales entre elles ». C’est d’ailleurs l’objectif de l’accord bilatéral sur le quantique signé entre la France et les Pays-Bas l’été dernier. Les régions établissent, quant à elles, des réseaux d’acteurs, véritables socles au développement du quantique en Europe. C’est ce qu’ont illustré les représentants des initiatives Quantum Valley en Allemagne, Quantum Delta aux Pays-Bas et QuanTIP en France.
Une autre synergie intrinsèque à la réussite de l’Europe entoure l’innovation. « Nous devons soutenir la prise de risque qui n’est pas assez présente dans la culture européenne », a insisté Herbert Zeisel, directeur général adjoint à la recherche pour la souveraineté technologique et l’innovation au Ministère fédéral allemand de l’éducation et de la recherche. L’Europe doit en effet maîtriser la chaîne de la valeur du quantique de bout en bout, de la compréhension aux développements technologiques1 .
Les grands enjeux de la recherche fondamentale
Côté recherche, plus de 5 000 scientifiques en Europe travaillent sur le quantique. Nombre d’entre eux sont impliqués dans le Flagship quantique, lancé en 2018. Celui-ci a déjà financé 19 projets de recherche, dont 13 impliquant des équipes du CNRS, autour des quatre piliers : simulation, capteurs, communication et ordinateur quantiques. De premiers résultats fructueux ont été présentés lors de la journée. Néanmoins, subsistent des défis de taille à relever : certification des technologies, indicateurs de performance des ordinateurs quantiques, accès aux ressources humaines, matérielles et primaires (silicium, hélium, métaux rares) ont été mentionnés.
Par ailleurs, il est impossible de prédire aujourd’hui les dispositifs qui s’imposeront demain. Soutenir la recherche exploratoire est donc primordial. Sébastien Tanzilli, coordinateur du programme Technologies quantiques du CNRS, rappelle également l’importance de financer la recherche sur les technologies habilitantes : électronique bas-bruit, cryogénie, semi-conducteur et laser. « Sans elles, il ne sera tout simplement pas possible de mettre en œuvre les innovations quantiques ».
Enfin, « le développement des technologies quantiques se fera d’autant mieux et vite que nous serons capables de renforcer le lien vital entre la formation, la recherche et l’innovation », rappelle Sylvie Retailleau, présidente de l’Université Paris-Saclay.
Marchés et usages : un intérêt quantique qui prend forme
La recherche seule ne fera en effet pas de l’Europe un acteur majeur du quantique. « Plus on fera des allers-retours entre excellence académique et besoins industriels, plus on avancera et plus on renforcera la capacité européenne », a souligné Français Jacq, administrateur général du CEA. Côté usages, c’est déjà le cas sur les futurs utilisations de grands groupes, tels qu’EDF, Airbus ou BASF venus présenter leurs collaborations avec la recherche en optimisation de la gestion de l’énergie, communication sécurisée pour le spatial et calcul quantique pour l’industrie chimique. Domaines qui seront les premiers à bénéficier du quantique, en plus de la cybersécurité.
Côté marché, l’enjeu économique concerne « notre capacité à renforcer les grands acteurs industriels des technologies quantiques », a également mentionné Cyril Moulin, adjoint à la directrice générale de la recherche et de l’innovation du Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Le leader européen Atos estime que le marché du quantique s’élèvera à « près de 4 milliards d’euros en 2030 ». Mais le quantique reste un investissement à risques.
L’enjeu est également de développer les écosystèmes de création d’entreprises innovantes. « Une vingtaine de start-up dans le quantique ont été créées par le monde académique français », a rapporté Antoine Petit. Il cite des jeunes pousses comme Pasqal, Muquans, Quandela et Alice&Bob mêlant recherche d’excellence et innovation. « L’EIC a, quant à lui, soutenu une quarantaine de projets sur le quantique au cours des trois dernières années », a fait remarquer Bruno Sportisse, président-directeur général d’Inria. Des pratiques que l’Europe doit renforcer.
Former à la hauteur des ambitions européennes
Un des enjeux clé répété au cours de cette journée est le renforcement des liens entre recherche, innovation et formation. Sur ce dernier point, l’objectif est multiple. Il faut former de nouveaux talents à l’aide de dispositifs plus interdisciplinaires pour lesquels la demande est forte. Il est aussi essentiel d’assurer le maintien des compétences de personnels déjà qualifiés dans ce domaine qui évolue très vite, via des formations hors universités. Par ailleurs, les sociétés recherchent d’autres compétences, en marketing notamment, avec un bagage technique et la connaissance du quantique. L’éducation veut ainsi mettre en interaction différentes communautés et développer de nouvelles formations. Car, plus généralement, l’Europe ne pourra rester à la pointe du quantique sans des talents formés à tous les niveaux : recherche, innovation et industrie.
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