19 février 2020 Commentaires fermés

TROPHEES DES MEILLEURES USINES

Premier prix France

A Villeurbanne, Alstom noue de solides partenariats industriels

A l’issue d’un benchmarking réalisé dans l’automobile et l’électronique, le fournisseur de systèmes d’électronique pour les trains de la branche transport s’est recentré sur la fabrication de produits à haute valeur ajoutée, accomplissant une véritable révolution industrielle.

Maria Benfattouche et Janine Caye reviennent de loin. Un jour, il y a deux ans, ces deux câbleuses de la filerie ont vu partir les machines de l’atelier. Leurs machines. L’unité de systèmes d’équipements électroniques (EES) d’Alstom (branche transport), à Villeurbanne (Rhône), se séparait d’une grande partie de sa fabrication.

 » C’était comme si on leur enlevait leur boulot « , raconte le directeur des ressources humaines, Stéphane Bessette, qui a suivi leur reconversion – réussie. Aujourd’hui, cette brunette toute vive et sa collègue, de vingt ans son aînée, travaillent dans le nouveau service de maintenance d’EES. Récemment, l’une est partie à New York, l’autre à Barcelone, avec une mallette  » customer service  » à la main, dépanner des clients…

Le parcours de ces deux anciennes ouvrières illustre à merveille le virage à 90¡ accompli en dix-huit mois par la business unit, devenue, au sein de la galaxie Alstom, un véritable Ovni industriel. De fabricant intégré de systèmes de contrôles embarqués et de l’électronique de la chaîne de traction, le site s’est recentré sur la conception et l’intégration de systèmes. Il sous-traite désormais les activités à faible valeur ajoutée.

Une pépinière de matière grise employant 250 ingénieurs, cadres et techniciens sur un effectif global de 500 salariés. Sur un marché  » où la pression sur les prix est dramatique « , explique le directeur général, Stephan Rambaud-Measson, le changement était indispensable. En 1997, Alstom avait donné le  » la  » en présentant son pro- gramme, Stretch 30 : réduire les coûts de 30 % en trois ans. D’où deux options possibles :  » make or buy « .

Cet arbitrage, entre gestion interne et sous-traitance, EES l’a parfaitement réalisé, gérant au mieux ses conséquences industrielles et sociales.

Un arbitrage à double détente.  » Avant, nous produisions toutes les gammes de produits et réalisions des process tels que le câblage et l’assemblage mécanique, qui ne figuraient pas en réalité dans notre coeur de métier « , explique Josette Adelin, chef du département industriel. Désormais, l’usine ne fabrique plus que des sous-ensembles complexes subissant une forte variation technique. Comme ce produit de la gamme Agate Media, qui permettra aux usagers des trains de Singapour de consulter la météo sur écran.  » Dès que l’évolution technique est stabilisée et que nous maîtrisons la courbe d’accoutumance, nous transférons la production à nos sous-traitants, tout en réalisant, in fine, les opérations de contrôle et d’intégration « , poursuit Josette Adelin. Dans l’atelier de contrôle, un es- pace spécial est par exemple dédié à des cartes de technologie  » anciennes  » équipant le Thalys ou le TGV coréen.

Un nombre énorme de composants à gérer

Dans les deux cas, les contraintes industrielles sont énormes. EES doit en permanence suivre de front 108 affaires, toutes spécifiques. Il livre 10 000 systèmes électroniques par an, de 350 types différents. Le tout à fabriquer en très petites séries (30 à 60) – exception faite du métro de New York, où les séries montent à 1 000 pièces. Et ce, dans des délais, exprimés par les clients, toujours plus tendus : de 4,4 mois en 1996 à 3,1 en 1998. Enfin, le nombre de composants à gérer est énorme : près de 5 000. EES a su résoudre au mieux cette équation, concentrant ses efforts tout au long de la supply chain, du plus en amont possible (conduite de projets) jusqu’à l’aval (production, assemblage). Une organisation qui s’inspire des méthodes de gestion de l’automobile. D’abord, le site a optimisé la gestion de ses équipes projet. Aux deux étages du site, une dizaine d’ingénieurs, sélectionnés au gré des affaires et de leur disponibilité, travaillent en plateau dans une pièce vitrée le temps d’un projet. Ils n’ont qu’à traverser le couloir pour avoir accès au laboratoire. Leurs bureaux sont fixes, mais leurs casiers, montés sur roulettes, rejoindront, dans plusieurs mois, une autre pièce, pour un autre projet… Le plateau, lui, restera en vie jusqu’à l’expiration de la garantie. Et, pour conserver intactes les informations et les savoirs recueillis tout au long des conduites de projet, un système Intranet, baptisé Mikado, a été élaboré. Parallèlement, des équipes dédiées aux produits, sous la houlette d’un responsable  » produit  » (logiciels…), assurent des développements techniques en appui à ces groupes de projet. Leur objectif : la standardisation et la customisation. Aujourd’hui, près de 80 % des cartes figurant dans un système électronique sont ainsi identiques et réutilisables d’une affaire à l’autre, contre 35 % il y a trois à quatre ans.

Des politiques spécifiques d’approvisionnement

Ensuite, la politique d’achats a été rationalisée pour réduire de 20 % par an le nombre de fournisseurs, à l’exception des  » golden suppliers « , partenaires clés, dont le nombre augmente (de 25 en 1996 à 40 attendus en 2000). Ils sont certifiés selon des standards qualité utilisés dans d’autres entreprises. Alcatel a, en particulier, servi d’exemple. Des politiques d’approvisionnement spécifiques ont été négociées par types de composants. Ces derniers ont été classés en trois ca- tégories, A, B et C, en fonction de leur coût. Les composants de classe C, très nombreux (près de 4 000 références) et bon marché (15 % de la valeur des stocks) peuvent facilement être stockés par les fournisseurs si besoin est. Dans l’atelier Agate, 70 % d’entre eux sont livrés au poste de travail, sans passer par le magasin. Et l’objectif est d’atteindre rapidement 90 %. EES a même offert, après négociation, à un fournisseur de vis la possibilité de livrer directement ses pièces dans l’atelier en court-circuitant le réceptionneur ! En revanche, les composants de classe A, très chers (baies électroniques, microprocesseurs…) sont livrés en juste-à-temps, en passant par le magasin. Parallèlement à cette politique de rationalisation des flux, EES a bouleversé le management de ses lignes de production. A la suite d’un important programme de formation (5 % de la masse salariale), des équipes autonomes ont été créées, animées par un responsable sans pouvoir hiérarchique.  » Du coup, nous sommes davantage motivés, explique Liliana Vava, animatrice de l’îlot « composants montés en surface ». Nous gérons notre temps assez librement. Et si quelqu’un est absent, je peux très bien le remplacer, car je maîtrise trois métiers.  » Des objectifs clairs sont assignés à ces îlots. Par exemple,  » assurer un taux d’insertion de 98 %, produire 27 cartes par jour et par personne…  » Les suggestions, en revanche, restent marginales : 0,5 par an et par personne.

Des conséquences sociales limitées

 » Le changement a été profond : en trois ans, 90 % des salariés d’EES ont changé soit de chef, soit de service « , explique le directeur général, Stephan Rambaud-Measson. Mais il a eu des conséquences sociales limitées : 40 postes, principalement de production, ont été supprimés en un an, essentiellement par des mesures d’âge, et accompagnés de mutations internes. Surtout, les résultats industriels, partagés par tous, se comparent aux meilleurs standards industriels des grandes firmes d’électronique : les délais d’approvisionnement sont passés de 7,4 mois en 1996 à 3,7 en 1998. Les délais de production ont baissé, en trois ans, de trois mois à deux semaines sur les lignes Agate. Et de 120 à 67 jours sur les produits sous-traités. Dans le même temps, le taux de rotation des stocks et des encours a augmenté de 5 à 13,5.  » Il sera de 16 l’année prochaine. Un chiffre comparable à nos étalons de benchmarking, des fabricants d’électronique de grande série « , précise Josette Adelin. Certes, les délais d’approvisionnement sont encore supérieurs aux besoins exprimés par les clients. En contrepartie, le service au client s’est beaucoup amélioré. Une performance qui mérite d’être soulignée, alors qu’EES ne profite pas toujours de l’aiguillon de la compétition : 90 % de son chiffre d’affaires est généré par Alstom. Le site a élaboré un système d’enregistrement de plaintes : un prototype qui est appelé à faire école dans l’ensemble de la branche transport d’Alstom ! D’autre part, un poste d’ingénierie d’affaires de bon achèvement a été créé. Le service client représente l’axe majeur du programme de formation d’EES, et un axe tout court de développement stratégique : l’unité vient de créer un pôle services et maintenance, qui ne représente encore que 5 % du chiffre d’affaires, mais se révèle  » très profitable « . Objectif fixé : réparer 80 % des produits dans les vingt jours (65 % réalisés aujourd’hui). Demain, EES devra encore progresser. Surtout s’il parvient, comme il s’y emploie, à se dégager de la tutelle d’Alstom et à vendre son expertise dans un secteur autre que le ferroviaire…

Les points forts

Recentrage réussi de l’activité vers la fabrication de produits innovants.

Elaboration méthodique d’une politique de sous-traitance avec création de partenariats industriels.

Transfert de méthodes de gestion de production héritées de l’automobile.

Accompagnement social et managerial audacieux.

Les chiffres clés

Activité Plates-formes électroniques embarquées sur les trains.

Chiffre d’affaires 580 millions de francs (88 millions d’euros).

Capacité de production 10 000 systèmes par an.

Effectif 370 personnes.

Principal client Groupe Alstom à 90 %.

 

 

Source : https://www.usinenouvelle.com/article/trophees-des-meilleures-usines.N92180

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